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08 Jun

Requiem pour une voix

Publié par Léna Peregrin  - Catégories :  #Plume au vent

Requiem pour une voix

Chaque teinte de voix se détachait de la vieille bande audio. Entre deux grésillements j’entendais parfaitement cette voix qui m’avait si longtemps bercée par ses silences. Les réminiscences frappaient aux portes de ma mémoire et mon cerveau marqua une pause. Pourquoi je faisais ça ?

Les mots s’étaient toujours enchaînés avec une facilité déconcertante et voilà qu’ils me résistaient. Je les avais insultés. Pris pour ce qu’ils n’étaient pas, n’avaient jamais été, un moyen. Je repensais à ce temps où tout n’était pas une course à la performance. A l’époque où j’écrivais pour moi. Pas pour les autres.

Fais les bonnes études même si elles te débectent, souris même quand tu n’en as pas envie, montre toi toujours polie en toute situation, redresse le buste, ne regarde jamais personne de haut, reste discrète, deviens une ombre. J’avais troqué mes grandes envies de liberté contre une petite vie dans les convenances. J’étais devenue une statue de musée, celle qui assistait à tout et qui ne profitait de rien.

Le plâtre commençait à prendre dans ma gorge, mes mains tremblantes s’étaient figées et dans un regard qui s’assombrissait j’observais une dernière fois ce qui m’avait emmenée jusqu’ici. Les feuilles froissées, brouillon d’un roman sans queue ni tête, les tasses de café vides, les livres d’histoire qui rependaient leurs flots meurtriers, mon appareil photo rempli d’images sans âme.

Et d’un coup j’étouffais.

L’air était revenu circuler dans mes poumons dans une violence punitive, et mon cerveau me somma de réagir. J’arrachai le plâtre de mon visage, fit craquer mes épaules et glissa doucement un stylo entre mes doigts. Je retrouvais mon tremblement familier, ma crainte face à l’immensité du Monde. J’aimais ça, ne pas chercher la beauté des paysages juste pour l’offrir, ne pas écrire pour être reconnu, ne pas sourire pour se faire remarquer.

Non, juste ressentir, pratiquer, exister. Simplement, comme un battement d’aile.

Sa voix me revint tendrement en tête « Le monde ne va pas t’attendre pour tourner, va, vis »

Il avait toujours compris les choses avant moi.

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