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20 Dec

Je suis une angoissée

Publié par Léna Peregrin  - Catégories :  #Plume au vent

Je suis une angoissée

Je suis cette fille. Celle qu’on ne remarque pas souvent. Celle que ça ne gêne pas. Celle qui n’aime pas gêner.

 

Mais je suis aussi cette fille qui dérange, celle qui s’agite d’un coup. Celle qui respire un peu trop fort. Celle qui s’évanouit.

 

Je suis une angoissée.

 

Je me réduis souvent à cette simple étiquette parce que c’est plus simple. Parce que ceux qui assistent à mes crises ne voient que ça de moi mais au fond de ma tête, une voix hurle, me rappelant que j’existe aussi sans cette angoisse.

 

On a tendance à dire, moi la première, que cette peur fait partie de nous. Ce n’est pas exactement ça. L’angoisse est plutôt une force étrangère qui envahit le territoire. Au cours de l’occupation, on flirte entre collaboration et résistance, à la recherche d’un équilibre sécurisant. L’angoisse ne devient pas notre identité, plutôt une colocataire un peu lourde qu’on aimerait bien enfermer sur le balcon de temps en temps.

 

La première fois que la peur m’a attrapé la main, c’était comme si la personne qui me plaisait depuis des mois m’invitait à sortir, j’avais les jambes qui tremblaient, la respiration saccadée, un nuage dans la tête, dans les premiers instants, je croyais que l’adrénaline qui se répandait dans mon corps allait me donner des ailes et puis quand mes genoux ont heurté le sol et que j’ai perdu connaissance j’ai compris que je ne venais pas de rencontrer l’homme de ma vie mais un vrai pervers narcissique.

 

Les premières semaines de vie commune ont été un calvaire, et comme toute personne qui ne veut pas admettre un problème, je répondais « ça va » avec un grand sourire le matin alors que je venais d’avaler un anxiolytique pour être sure de tenir la matinée, je riais du fait de marcher pendant des heures en regardant passer les trams, mais le soir, quand je me retrouvais seule et que je pouvais enfin ôter mon masque, je réalisais que je m’excluais, me cachais, je laissais l’angoisse gagner.

 

Alors j’ai réagi. J’ai commencé à en parler, à comprendre comment vivre avec une partie de ma vie retenue en otage. J’ai tout essayé, les thérapies de groupe, l’hypnose, l’écriture, la peinture, la photographie et un jour, j’ai regardé le chemin parcouru et j’ai ressenti quelque chose de différent, quelque chose que je ne m’étais pas autorisée à ressentir depuis longtemps. J’étais fière de moi. Celle qui baissait la tête marchait dorénavant en regardant droit devant et je portais de l’attention aux gens qui m’entouraient, plus à cette angoisse qui cherchait à m’attraper la main. Je me suis arrêtée sur des détails de mon environnement, j’ai retrouvé la beauté de la ville lyonnaise, la poésie des musiciens de rues, les odeurs des festivités, j’ai assisté à des moments de vie intime succins, juste assez longtemps pour ne pas me sentir de trop, juste assez longtemps pour sourire avec eux.

 

Et parfois, quand l’angoisse prend le dessus, je me bats un peu plus pour reprendre le contrôle, je laisse passer la crise et je repars en riant, déjà parce que nerveusement, c’est un peu confus mais surtout parce que je sais qu’il existe des moments à venir bien plus agréables que ceux-ci.

 

Beaucoup de personne souffrent d’angoisse chronique, ne minimisez pas les moments de douleur qu’ils peuvent traverser, mais ne les enfermez pas dedans. S’il est difficile pour nous d’être catégorisé comme malade, on ne veut pas non plus qu’on dise de nous qu’on est courageux, parce que tout ce qu’on fait, en réalité, c’est juste vivre.

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